Selon le journal « Le Monde »:
Au Maroc, le climat répressif se durcit contre la presse
Les journalistes Omar Radi et Soulaiman Raissouni ont entamé une grève de la faim, pour protester contre leur détention.
La liberté de la presse au Maroc connaît des heures sombres. Omar Radi et Soulaiman Raissouni, deux journalistes qui s’étaient illustrés par leur plume critique, ont entamé, il y a une semaine, une grève de la faim à la prison d’Oukacha, à Casablanca, où ils se trouvent en détention préventive depuis respectivement huit et dix mois. Ils demandent que leur soient accordés la « liberté provisoire » et un « procès équitable », alors que les audiences ne cessent d’être reportées. Cent vingt journalistes marocains ont signé, mercredi 14 avril, une pétition dans laquelle ils expriment leur « grande inquiétude » quant au sort de MM. Radi et Raissouni et dénoncent la « violation répétée de la présomption d’innocence » et « l’impunité dont bénéficie la presse de diffamation au Maroc ».
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Cette « presse de diffamation » – des publications liées aux services de sécurité – a joué un rôle-clé dans les campagnes salissant la réputation des voix critiques au Maroc, à travers des informations relevant d’affaires de mœurs, réelles ou supposées. Un rassemblement de soutien à MM. Radi et Raissouni et aux autres journalistes victimes de harcèlement judiciaire devait avoir lieu vendredi 16 avril, devant le siège du Parlement, à Rabat. Les amis des deux journalistes s’alarment particulièrement des risques qui pèsent désormais sur leur santé. M. Radi, qui a perdu 10 kilos en prison, souffre d’asthme et de la maladie de Crohn. De son côté, M. Raissouni, qui a perdu 15 kilos et est sujet à une hypertension chronique, a entamé une grève de la soif s’ajoutant à son jeûne.
Affaires de mœurs instrumentalisées
Les procédures lancées contre les deux journalistes sont révélatrices du climat qui règne au Maroc en matière de liberté d’expression. Agé de 34 ans, Omar Radi est poursuivi pour « atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat », « atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat », ainsi que pour « viol », « attentat à la pudeur » et « évasion fiscale ».
« Les poursuites apparemment truquées contre des journalistes critiques figurent en bonne place dans le manuel des autorités marocaines pour étouffer toute contestation », avait commenté Human Rights Watch, fin septembre, à l’occasion de la première comparution de M. Radi devant un juge d’instruction. Le journaliste avait exaspéré en haut lieu par ses enquêtes sur la corruption et les expropriations foncières pour cause d’« utilité publique », ainsi que son soutien aux militants du Hirak (mouvement de protestation), qui avait enfiévré la région du rif en 2016 et 2017.