Visite de l’œuvre de Karl Marx, Le Capital (Partie I)

Visite de l’œuvre de Karl Marx, Le Capital (Partie I)

Lahoussine laanait

Visite de l’œuvre de Karl Marx, Le Capital (Tome I, II et III), relative à la critique de l’économie politique ; à la lumière des travaux :
1- Law of Chaos :A Probabilistic Approach to Political Economy : Emmanuel Farjoun and Moshe Machover en 1983, édité par Verso Editions et réédité en 2020
2- Les méandres de la transformation des valeurs en prix de production, L’ Harmattan 2013 et Essai sur la refondation de l’expression monétaire de la valeur-travail : La valeur du travail humain, L’Harmattan 2021 écrits par Vincent Van Laure Bambeke.

A notre avis, cette visite n’a de sens que lorsqu’elle fait référence à quelques hypothèses fondamentales de l’écomie marxiste, à savoir :
A- Toute création de valeur qui s’échange sur le marché a pour genèse du travail humain. Tout produit matériel qui n’a pas de valeur d’échange sur le marché, même si son « Utilité » est inestimable, est gratuit car il ne contient pas du travail humain.

Les croyants et les non croyants s’accordent à dire que ce qui est gratuit, c’est un Don de Dieu pour les premiers, un Don de la Nature pour les seconds. En d’autres termes « La Mère de la richesse, c’est Dieu (La Nature) et son Père c’est le Travail Humain ». L’air que nous respirons est gratuit, tant qu’il n’est pas infesté et que nous serons obligés de le purifier, de le comprimer sous bonbonnes, de lui ajouter de la valeur par le travail humain et de le transformer en valeur d’échange sur le marché.

B- Le procès de production d’une nouvelle marchandise nécessite de disposer d’un Capital-Argent que l’on convertit en Capital de Production. Ce capital de production se décompose en Capital Fixe(F) ( machines, locaux, logiciels…), en Capital Circulant Cc (matières premières à transformer et matières auxiliaires aidant à la transformation ( gaz, pétrole, électricité, produits chimiques…) et en Capital Variable (V) alloué à la Force de Travail Humaine.

Le génie du « travail humain » fournit par la force de travail humaine réside dans les 3 actions suivantes :

  • Elle préserve le capital fixe de telle sorte à ce qu’il ne transmet à la marchandise produite qu’une petite quantité de sa valeur – l’Usure-. C’est-à-dire, lorsque T(M) désigne la durée de vie d’une machine M et qu’on note T(m) la durée du cycle de production de la marchandise m, la valeur de l’usure, c’est
    f = F.T(m)/T(M) (1)
  • Le capital circulant Cc est globalement préservé lors de la transformation et toute sa valeur est transmise à la marchandise produite
  • La symbiose du travail humain avec le capital circulant et le capital fixe permet d’ajouter une survaleur à celle déjà existante, c’est de la Plus-value : (Pl)
    Formellement, la valeur ,val(m), de la quantité de marchandise produite, lors d’un cycle de production, peut s’écrire sous la forme :
    Val(m)= f +Cc + V + Pl (2)
    Ici nous sommes amenés à faire deux remarques.
    1- Dans le capital (Tome I), Marx en vue d’argumenter sa définition de la plus-value, il a donné un exemple numérique exprimé en Argent (Livre Sterling). Cet exemple à notre avis sème de la confusion car la Plus-value existe et a pour origine le génie du travail humain mais ne peut être convertie en Argent que dans la sphère d’échange (le Marché).
    2- Toujours dans le souci d’argumenter, Marx a exprimé le taux de la plus- value en termes d’ »heure de travail » et non plus en terme d’argent, en introduisant le « taux de plus-value » comme le rapport : surtravail/ travail « nécessaire ». voulant dire que lorsque le travailleur est engagé pour le travail une journée de 8 heures par exemple, alors le montant de son salaire (pour 8 heures) est couvert par seulement le salaire de la durée de travail nécessaire à produire la marchandise. Par exemple, si la durée du travail nécessaire, c’est 0< a <8 alors :
    Taux de plus-value= (8-a)/a (3)
    Connaissant le capital variable V en monnaie biesûr, la plus-value
    Pl= V. (8-a)/a . (4)
    Encore une fois, on a l’impression de connaitre la plus-value sans mettre pied au marché d’échange, ce qui est un leurre car seul le marché d’échange peut donner une estimation de « a » et par conséquent une estimation du taux de plus-value.

3- Supposons que l’on adopte la définition du taux de plus-value (taux d’exploitation) comme définit ci-haut (en 2). Sur cette base, il paraît que l’on ne peut pas comprendre la délocalisation des entreprises. Tous les économistes s’accordent à dire que l’origine de la délocalisation est dictée par la recherche d’une maximisation de profits. Ceci se fait par le flux des entreprises des pays capitalistes développés vers des pays « émergents » disposant de main d’œuvres ayant globalement les mêmes qualifications que dans les pays d’origine de ses entreprises mais qui exige une « masse salariale » moindre. Si la journée de travail est supposée de durée 8 heures dans le pays d’origine de l’entreprise comme dans le pays émergents et si les qualifications des main d’œuvres sont presque les mêmes. Alors on aura le taux de plus value dans (3), (8-a)/a , comme étant presque le même dans le pays développé et dans le pays émergent. En utilisant la relation (4) : Pl= V. (8-a)/a

En déduit que la plus-value dégagée dans le pays développé saura supérieure à cette dégagée dans le pays émergent vu que la masse salariale V engagée dans le cycle de production d’une marchandise dans le pays développé est supérieure à la masse salariale V engagée dans le même cycle de production dans le pays émergent. Pourquoi donc délocaliser !

En conclusion, pour estimer la plus-value il est nécessaire de quitter la sphère de production et d’aller dans la sphère d’échange pour que le capital-marchandise dégagé à la fin du cycle de production fasse son « saut périlleux » (comme disait Marx) et se métamorphoser en Capital-Argent puis en capital industriel en vue de s’engager sur le cycle « perpétuel » de production. La marchandise se doit donc d’avoir un prix
P(m) = f + Cc + V + Profit (5)

Sur le marché les marchandises ne subissent aucune transformation, elles sont immobilisées et elles attendent leur sort, avoir une « Utilité ». Lors de cette immobilisation aucune valeur ne leur est ajoutée, elles ne portent que celle qui leur est incrustée dans la sphère de production. Il s’ensuit que le profit constitue une réalisation monétaire de la plus-value. D’où
profit = plus-value exprimée en Argent et telle qu’elle est déterminée par l’échange des marchandises.

Le profit = taux de profit. K (6)
K = F +Cc + V, (7)
K étant le capital de l’entreprise spécialisée dans la production de la marchandise m.

Notons EM, le taux d’exploitation de Marx, qui est le taux de plus-value déterminée par le taux de profit, avec Pl= EM.V. Nous rappelons que V ici exprimé en Argent, c’est la masse salariale allouée à la force de travail en vue de produire la marchandise m. Comme chez Marx, le taux de profit, R et le taux d’exploitation, EM, sont reliés par l’égalité :

R.K=EM.V (8)

Parfois, on définit la quantité, Com= K/V que nous appelons : composition organique « modifiée » du capital.

Marx définit le capital Constant, C= F+ Cc
Il s’en suit :
R(1+ C/V) =EM, (9)
C/V= Co appelé composition organique du capital.
La différence entre les deux définitions est une constante :
Com= Co + 1

Néanmoins la relation de Marx est plus parlante.

Revenant à la question de la délocalisation. Prenons une même entreprise qui produit les mêmes quantités de marchandises aux Usa (que nous notons (u) et en Inde (que nous notons (i). Cherchons les conditions à satisfaire pour que cette entreprise ralise le taux de profit Ri en Inde, supérieur au taux de profit Ru au Usa.
En utilisant la formule (9) pour les Usa et l’Inde. Chercher Ri>Ru équivaut à satisfaire l’inégalité :
(EM(i)/EM(u))> (1 + Ci/Vi)/( 1 + Cu/Vu) (10)

C/V, exprime le capital engagé par rapport à la masse salariale en vue de produire la marchandise m, ou composition organique du capital comme définie ci-haut. Il est redondant que
Cu/Vu < Ci/Vi, (11) Sinon, l’entreprise hésiterait à aller en inde. Le fait que Cu soit très proche de Ci est le plus probable. La grande part de son capital fixe (qu’elle a importé) se valorise à la même valeur qu’il soit placé en Inde où aux Usa et les matières premières et matières auxiliaires sont valorisées en Dollar, sa monnaie nationale. Il suit de (10) et de (11) que pour que Ri>Ru, pour l’entreprise américaine il faut que le taux d’exploitation de Marx EMi en Inde soit supérieur au taux d’exploitation EMu.

EMi > EMu (12)
Il découle que le taux d’exploitation ne peut être déduit soigneusement qu’à partir du taux de profit. Comme nous l’avons signalé ci-dessus, la production ne se résume pas en une juxtaposition (addition) d’une quantité de matières premières et un certain nombre d’heures de force de travail, mais il s’agit d’une symbiose assez compliquée où le cerveau humain joue un rôle déterminant. La plus-value ne s’appréhende, en conséquence, que sur le marché d’échange où la valeur prend son expression monétaire. Dailleurs Marx disait dans le Tome I, que « le prix, c’est l’expression monétaire de la valeur ».

Il parait que dans les pays capitalistes développés, le taux d’exploitation est presque le même. Dans leur modèle probabiliste, Farjoun et Machover , initié dans Law of Chaos, se sont basés sur cette observation empirique (Usa, G Bretagne) pour considérer le taux d’exploitation comme une variable aléatoire dégénérée, c’est-à-dire dont les déviations sont négligeables comme si sa distribution de probabilité, c’est delta de Dirac.

Il est bien évident que cette notion de « dégénérescence » ne se généralise pas à toutes les économies, sinon encore une fois on ne peut pas comprendre les délocalisations.
On trouvera toujours des économistes qui argueront que le taux d’exploitation est une création de l’esprit ! Les plus modérés parmi eux vont nous parler du panier de marchandises ouvrières. C’est pas grave si ce fameux panier contient du pain et du thé pour certains pays, un steak et un morceau de fromage pour d’autres (question de tradition culinaires nous diront-ils). Comme ça, ils détermineront un indice Parité Pouvoir d’Achat (PPP) pour nous « démontrer » que les riches ne sont riches et les pauvres ne sont pauvres que dans notre imagination !

Revenons à du plus sérieux. Revenons à Marx.